La Nouvelle Année 5758

La vie sur Mars

Chaque Roch Hachana, date du jour de l'an de notre calendrier, est tout naturellement le jour qui invite à une rétrospective générale ; le moment pour faire le bilan de l'année écoulée.

L'événement le plus spectaculaire de cette année dans les média, et encore tout frais et actuel aujourd'hui, est sans doute l'atterrissage d'une fusée terrestre sur la planète Mars. Une réussite technologique de précision hors classe, qui ne peut que nous laisser stupéfaits.

 L'exploit a en grande partie été motivé par l'intarissable curiosité de l'homme pour l'étendue du cosmos. Il souhaite ardemment percer le mystère intriguant de l'infiniment loin et de l'infiniment grand. Cette quête est d'ailleurs invariablement accompagnée par l'autre question pertinente et excitante : "y aurait-il là en haut aussi des formes de vie ?"

 Et, voici ma question de ce Roch Hachana, qui est légèrement différente: y a-t-il vraiment la vie ici, en bas sur terre ?

Cela ne vous paraîtra certainement pas être plus qu'une boutade.

En effet, toutefois j'aimerais m'expliquer.

 Pourquoi cette fascination irrésistible de l'homme pour le cosmos, pour l'infiniment grand? Quel est cet envoûtement exercé par les pulsars, quasars, trous noirs et par les méga-constellations qui constituent l'infiniment loin?

Selon la tradition de nos hah'hamim, nos maîtres, tout cela vient essentiellement pour cacher la frustration terrible de l'homme en ce qui concerne la compréhension élémentaire de sa propre vie. L'existence ne se mesure pas exclusivement en termes de taille. Certes, à ce niveau c'est le cosmos qui est le cadre ultime de toute existence. Toutefois, à un niveau plus raffiné c'est dans l'homme même que se trouvent les ultimes secrets de l'univers et de l'existence. Ce point minuscule, infiniment petit, qui est l'homme et qui ne se mesure nullement dans la masse de l'univers est, dans l'absolu, la grandeur extrême de toute existence. Le corps humain, et surtout l'âme divine qui l'habite, l'infiniment près et l'infiniment petit, constituent et contiennent l'essence de toute existence. Ce sont ce corps et cette âme qui contiennent toutes les vérités de l'univers. La vaste étendue du firmament n'est rien d'autre que le reflet de l'étendue et de la puissance quasiment illimitée de notre âme et le ciel spacieux n'est autre que le cadre de la création. L'existence ultime se trouve dans l'homme lui même et ce n'est qu'à travers lui qu'on peut chercher sérieusement à comprendre l'univers.! L'immensité irraisonnable du cosmos est révélatrice de l'infini de l'âme. Si l'univers, avec ces myriades d'étoiles et de constellations avait été plus petit, moins mystérieux, et donc cernable, il n'aurait pas pu contenir réellement l'étendue illimitée de l'âme!

On a donc marché sur la lune et on a réussi la lancée d'une fusée vers Mars. Sans doute prochainement l'homme mettra le pied sur le sol de la planète rouge. Mais, que sait-il de plus sur lui même? L'homme des temps de la gloire de la science, que connaît-il de plus sur son infiniment petit? Rien. Et c'est pour recouvrir la frustration terrible du fait qu'en vérité, au niveau de son intérieur, il n'a strictement avancé en rien qu'il se tourne vers l'extérieur où il peut au moins créer l'image d'une réussite d'accomplissements multiples.

C'est souvent avec chagrin que je constate que ce schéma s'applique, ô combien trop, à de nombreuses de nos communautés. Elles sont préoccupées par tout ce qui est du plus grand et ceci au détriment des choses véritablement essentielles. C'est toujours la présentation qui prime sur le fond. Ce cosmos de constellations de méga-institutions d'héritage napoléoniennes fonctionne à travers la visibilité, la prestance et les chiffres mais, hélas, le fond y est généralement absent. C'est le cas à Paris comme à Marseille et c'est la raison d'un profond malaise général. Or, il existe une esquisse juive : un plan qui émane de la conscience que les secrets ultimes émanent de l'âme, l'invisible étincelle divine. Elle nécessite la qualité. Et toute communauté souhaitant s'inscrire dans les traditions authentiquement juives doit grandement ouvrir ces yeux pour reconnaître que seules la qualité et le respect minutieux de la hala'ha dans tous les domaines-cachouth comme enterrements- font avancer l'homme juif -et à travers lui l'univers- dans l'évolution du plan divin ; et de cela on est encore bien loin!

 Où irons nous Juifs dans cette année 5758 : chercher la vie sur Mars ou la vie en nous?
 
 

Rav YITSHAK JESSURUN


© Centre d'Etudes Juives Ohel Torah

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