PARCHAT AHARE MOT KEDOCHIM

SOYEZ SAINT CAR JE SUIS SAINT

 

Docteur Meyer Michel Ayache
Chirurgien ORL, Marseille

L'Eternel parla à Moché en disant : "Parle à toute la communauté des enfants d'Israel et dit leur : " Soyez saint car Je suis saint, Moi l'Eternel votre D. -

Révérez chacun votre mère et votre père et observez mes Chabbath , Je suis l'Eternel votre D."

La première réflexion que cette paracha, cette lecture, inspire est que le fait qu'il soit écrit "parle à toute la communauté d'Israel" ; cela enseigne que cette communication fut faite en présence de toute l'assemblée car l'application de toute la majorité des lois en dépend.

Alors que de nombreuses Misvot s'adressent uniquement à certains individus ou à certaines catégories de la communauté, la Sainteté s'adresse à la nation toute entière. Elle est accessible à chacun sans distinction aucune. C'est pourquoi le verset dit: Parle à toute la communauté.

Kedochim tihyou : vous serez saints . Cet ordre aurait du être exprimé par `heyou', soyez, forme impérative du verbe être; or le texte écrit `tihyou'.

Le Rav Yecheskel Halberstam y voit une preuve que Hachem nous assure que les Bene Israel, les Enfants d'Israel, seront saints dans les temps messianiques. Le Rambam confirme ce point dans Hilhot Techouva : La Thora nous assure qu'Israel fera techouva, se repentira, dans son exil dans les temps futurs et qu'il sera secouru par Hachem, comme il est dit (Devarim,30/2) : Quand te seront survenus tous ces événements, tu retourneras à l'Eternel ton D. ...; tu obéiras à Sa voix en tout ce que Je te recommande aujourd'hui, toi et tes enfants, de tout ton coeur et de toute ton âme.

Peut - on espérer une assurance plus catégorique: Kedochim tihyou : vous serez certainement saints.

Les deux piliers

Midrach : Révérez chacun votre mère et votre père, et observez mes jours de Chabbat. Toi et tes parents me doivent obéissance. En conséquence, s'ils te demandent de transgresser l'un de Mes commandements, par exemple le Chabbat, c'est à Moi que tu dois obéir. Le respect dû aux parents est donc subordonné à l'obéissance aux autres lois éternelles de Hachem (commentaire de Rachi)

Le Maggid de Doubno fait parler une parabole qui justifiera cette priorité mieux que ne le feraient les arguments les plus convaincants.

Il y avait une fois un homme qui avait trois fils. Pour leurs études, il les envoya dans une ville universitaire. Il enjoignit à chacun de se parfaire dans une spécialisation. Quelques années plus tard, tous les trois fils réintégrèrent le home paternel.

L'un se spécialisa dans l'optique et mit au point un appareil fabuleux permettant de voir à très longue distance. Le deuxième, appliquant ses efforts à la solution des problèmes de locomotion, inventa un appareil se déplaçant à une vitesse jusque- là inégalée. Tandis que le troisième, étudiant en médecine, ayant longuement observé les causes et la nature des souffrances physiques, réussit à mettre au point un remède dont l'action énergique venait infailliblement à bout de toutes les maladies.

Or, il arriva une fois que les trois frères prenaient ensemble du repos sur la terrasse de la maison, et que l'opticien, fixant le lointain horizon avec la longue vue de son invention, fut frappé par un spectacle peu commun. Il vit, tout à coup, dans la cour d'un château royal une grande foule, le coeur en émoi, s'attrouper autour de la fille du roi qui gisait à terre. Plusieurs personnes tentaient de la ranimer mais en vain. Notre opticien fit aussitôt part de sa découverte à ses frères. Il leur proposa de mettre leurs inventions à l'épreuve en se rendant au château royal par le nouveau moyen de locomotion rapide de l'un, et en administrant le remède miracle de l'autre à la jeune princesse.

Aussitôt dit, aussitôt fait. Nos trois jeunes gens arrivent sur les lieux. Le médecin ausculte la malade, lui administre son remède et, à la grande joie du roi et de la foule, la fille du roi reprend conscience, ouvre les yeux et récupère ses forces à vue d'oeil.

Le roi, débordant de gratitude, remercie les trois jeunes gens avec effusion et leur dit : "J'aimerais vous récompenser du service inoubliable que vous nous avez rendu. Comme vous êtes riches, ce serait sous estimer votre noble geste que de vous attribuer une somme d'argent. Je veux vous prouver mon éternelle reconnaissance en accordant la main de la princesse à l'un de vous." Voyant les trois frères entrer en vive discussion, chacun s'attribuant la part de l'on dans l'entreprise de sauvetage de la malade, le roi leur déclara que, s'ils le voulaient, il remettrait la décision entre les mains de sa fille. Les jeunes gens acquiescèrent. La princesse, avertie de la proposition royale, convoqua les trois candidats au mariage et, s'adressant à l'un d'eux, elle dit : "Toi, l'inventeur de la longue vue, sans ton instrument, je ne serais probablement plus de ce monde." Puis, se tournant vers l'autre, elle dit : "Toi, l'inventeur de la locomotion rapide, sans ton engin, ma vie n'aurait pu être sauvée." Puis, s'adressant au médecin elle avoua : "Sans ton remède miracle, je n'aurais pas repris conscience."

Je vous suis donc à vous trois reconnaissante au même titre. Ceci est, certes vrai pour ce qui est du passé. Mais quant à l'avenir la situation est fort différente. Je n'ai nul besoin de longue vue ; je peux aisément me passer également d'un moyen de locomotion ultra rapide. Par contre, ma santé, encore chancelante, nécessite un bon et fidèle médecin qui me surveille à l'avenir de sa bienveillante vigilance. C'est au médecin que va ma préférence. J'opte donc pour lui."

Il est, certes, vrai que, conformément à l'enseignement du Talmud, trois associés contribuent à la formation de l'être humain : D., et les deux parents. Cela est juste pour ce qui concerne la naissance de l'être humain. Quant à son avenir, c'est Le premier partenaire, Celui qui fournit l'âme, Celui qui seul est capable de la conserver dans l'homme, Celui qui la lui reprendra un jour pour la lui rendre dans un temps futur, c'est Celui là qui continue à jouer le rôle indispensable dans son existence. Sans la bienveillante aide ininterrompue de Hachem, l'homme ne pourrait se maintenir en vie, ne serait ce que l'espace d'un moment.

La Thora a élevé l'honneur, le respect et la vénération dus aux parents au niveau des sentiments que nous devons éprouver pour Hachem. Ce sont nos Sages qui l'affirment ( Sifra Vayikra.) Nous devons obéir à nos parents, accepter leur autorité et leur témoigner notre gratitude. Toutefois, si la piété filiale entrait en conflit avec l'observance d'une loi Divine, si par malheur les parents exigeaient de leurs enfants la transgression, par exemple des lois Chabbatiques, c'est au partenaire Divin que devrait aller l'obéissance absolue. C'est la raison de la forme emphatique de l'ordre : ve'et chabetotai tichmorou, "ce sont Mes chabbat que vous devez observer."

Depuis le berceau jusqu'à la tombe, le respect du Chabbat et des parents sont les facteurs éducatifs qui forment l'homme à la sainteté de l'existence. Le premier pas vers la Kedoucha, la sainteté, est le respect des parents. Ils sont à l'égard de leurs enfants, les intendants de D. sur terre car s'incliner devant la volonté des parents et reconnaître leur autorité constituent le plus précoce et le plus efficace exercice de maîtrise de soi, qui mènera le jeune homme à la vertu d'abnégation nécessaire à l'accession au degré de sainteté. Et il est hautement significatif que le respect du Chabbat figure à coté du respect des parents. Ce rapprochement indique la seule limite à l'obéissance des enfants à l'égard des parents et le Chabbat n'y est mentionné qu'à titre d'exemple comme Rachi le note : "bien que Je t'ai ordonné le respect du père , s'il te dit : profane le Chabbat , ne l'écoute pas et de même pour tous les autres commandements. Toi et ton père vous me devez obéissance. C'est pourquoi ne l'écoute pas pour abolir Mes paroles."

Le Rav Chimchon Raphaèl Hirsch précise également que ce qui donne au caractère national juif son cachet spécifique, c'est le respect des parents et l'observance du Chabbat. Tant que ces deux piliers subsistent, nos rapports avec D. se maintiennent sur un terrain solide et l'Eternel nous dit : "Je suis l'Eternel, votre D.". L'expérience nous apprend que si l'un des deux piliers vacille, le second est entraîné dans sa chute.

L'idéal de sainteté commence à prendre forme là où l'homme respecte ses parents non point par piété filiale mais par obéissance au commandement divin et lorsqu'il observe le repos Chabattique non point au nom du progrès social mais en tant que journée consacrée et bénie par l'Eternel. "Je suis l'Eternel votre D." tel doit être le véritable mobile de tous nos actes.

Kadech atsmeha bemoutar lah
(Sanctifie toi dans les actes qui te sont permis. (Yebamot 20a))
Il existe un antagonisme entre d'une part, l'obligation de profiter des différents fruits de ce monde, dont on devra rendre compte devant D. si on les a dédaignés car il s'agit là d'une sanctification du matériel en tant que moyen d'élévation spirituelle et non à une fin en soi, et d'autre part , l'excès ou l'abus de ce profit dans les limites de ce que nous permet la Thora : "Naval birechout hatorah"

L'auteur du Tehelet Mordehai interprète le deuxième commandement : "Tu ne feras point une image de ce qui est en haut dans le ciel c'est à dire tu ne prendras pas comme modèle pour ton comportement les êtres célestes, les anges en t'isolant de la société et des jouissances que la Providence met à ta portée." Mais la Thora nous met également en garde contre une tendance opposée : "ni une image de ce qui est en bas sur la terre" c'est à dire tu n'agiras pas d'avantage à l'image des bêtes qui vivent sur terre, tu éviteras de devenir l'esclave de tes sens en recherchant âprement les plaisirs qu'une curiosité croissante et malsaine prétend épuiser sans jamais pour autant y parvenir.

C'est pourquoi l'écriture proclame ici l'ordre général de la retenue dans le domaine des actes licites après avoir auparavant spécifié les actes rigoureusement interdits.

La Sainteté implique la tempérance qui consiste à modérer les désirs et les passions. Elle comporte la sobriété dans la satisfaction de nos appétits, la fuite devant toutes les espèces d'impureté rituelles, la modération dans le langage. Elle transcende ainsi le niveau de la morale ordinaire.

Vue sous cette angle, la Sainteté ne constitue pas un commandement biblique faisant partie des 613 Mitsvot mais elle représente un ordre général appelé à donner à la Thora le complément nécessaire pour assurer le comportement éthique des individus.


© Centre d'Etudes Juives Ohel Torah

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