PARCHAT VA'ERA

LA CONFESSION DE PHARAON

Dr. Michel Illouz
chirurgien dentiste à Marseille
 

La septième plaie, la grêle, ayant fait des ravages, Pharaon fait appeler Moché et Aaron et leur dit cette phrase surprenante :

"J'ai fauté cette fois ci, D. est juste, et moi et mon peuple nous sommes des méchants."(chap. 9 v.27)

Ce qui frappe le plus dans cette confession, n'est pas tant le fait même d'avouer sa faute, mais plutôt la violence avec laquelle Pharaon se qualifie lui même.

En effet, nous mêmes, dans nos prières journalières de confession, nous ne trouvons pas des termes aussi crus que ceux-là.

Seul Yom Kippour fait exception et on trouve dans beaucoup de liturgies cette phrase : "Je suis un Racha, un mécréant"

Pharaon serait-il arrivé ce jour là à la madrega, au même niveau spirituel, que nous peuple juif, le jour le plus saint de l'année?

Il est permis d'en douter, surtout lorsqu'on lit la suite des événements, où Pharaon ne tarde pas à retourner immédiatement à son entêtement du début.

Un Midrach sur ce verset, rapporté par le Hatam Soffer nous apporte un éclairage nouveau.

Celui-ci établit : en fait voilà ce que Pharaon a dit :

"D. est juste et moi (aussi), mon peuple, eux ce sont eux les méchants"

(en hébreu la lecture du Midrach est parfaitement possible puisque dans la Torah toute ponctuation est absente.)

Certes, nous avons l'habitude de lire certains Midrachim étonnants mais celui là nous interpelle sur deux points.

1* Comment le Midrach se permet de contredire tout simplement la lecture première du verset.

En effet Pharaon déclare : D. est juste, moi et mon peuple nous sommes méchants".

Le Midrach a une autre lecture qui va à l'inverse de ce qui est marqué.

2* Quel est l'indice que nos maîtres ont trouvé dans les mots de Pharaon qui a fait changer de lecture ce verset.

Pour comprendre tout cela, faisons appel à une phrase de Ben Azzai, dans la Guemara Berahot 47A

"Ben Azzai dit : Tout celui qui répond un Amen orphelin, ses enfants deviendront orphelins."

Les commentateurs nous expliquent qu'il s'agit d'un homme qui, ignorant la bénédiction sur laquelle l'assemblée a répondu, répond lui aussi Amen.

Certes, un Amen sur une bénédiction dont on ignore la teneur, n'a pas de valeur, mais, demande Rav Bloch dans Chioure Da'at, n'y a t-il pas ici un décalage énorme entre l'erreur commise et la lourde sanction que lui promet la Torah ?

D'autre part Ben Azzai aurait pu formulé plus simplement : "Celui qui répond `un Amen orphelin', est passible de mort."

La réponse du Rav Bloch est à la fois d'une extrême simplicité et d'une grande profondeur.

Un homme qui, sans réfléchir, sans savoir, suit ce que font les autres, n'est pas capable d'être un bon père.

Un bon père est par définition celui qui guide, qui oriente chacun selon son tempérament, sa sensibilité.

Les enfants d'un homme qui ne fait que suivre "le courant", se sentiront orphelins, car ils seront privés d'un véritable père, celui qui s'adapte à chacun sans jamais imiter tout bêtement ce qui se fait à coté.

D'ailleurs observons les enfants : lorsqu'on reproche à deux ou trois enfants : pourquoi as tu fait cette bêtise ,

L'enfant a tendance à dire : "lui aussi il a fait la même bêtise"

Tout comme si la bêtise de mon ami justifie la mienne.

Or, voilà que dans la réponse de Pharaon, le même problème transparaît.

Il aurait du et pu dire : "Moi et moi seul suis méchant."

Au lieu de cela que dit-il ? "Moi et mon peuple nous sommes des méchants"

Cette façon de s'exprimer révèle en fait la véritable intention de Pharaon : "Je suis méchant mais dans le fond ce n'est pas si grave, mon peuple aussi"

En filigrane, Pharaon veut dire : "Certes j'ai fauté mais je n'ai fait que suivre les désirs de mon peuple, et donc ce n'est pas moi le méchant, c'est mon peuple"

On comprend à présent le sens de ce Midrach qui à première vue semblait contredire le sens simple du verset.

En fait au delà de ce que Pharaon dit, le verset dans son sens simple, le Midrach nous révèle le véritable sous entendu de ses propos.

On peut comprendre grâce à cette idée une parenté de deux mots en hébreu qui à priori n'ont rien à voir l'un avec l'autre.

L'ami se dit : RÉ'A

Le mal se dit : RA (En n'utilisant que les consonnes, comme il en est l'habitude en hébreu, les deux termes s'écrivent d'une façon absolument identique par les deux lettres Rech et `Ayin.)

Or par définition mon ami ne veut pas mon mal.

En fait la Torah nous met en garde : l'homme dans la vie est parfois à la recherche d'amis RÉ'A pour masquer le (RA) mal qui est en lui même.

C'est beaucoup plus rassurant d'être à plusieurs pour faire des bêtises.

L'idée du Rav Bloch est d'ailleurs exprimée dans le Talmud qui nous dit que le monde présent a été crée avec la lettre HÉ.

Or cette lettre est à la fois celle qui définit les choses donc la première lettre d'un mot, et en même temps c'est la marque du féminin, donc la dernière lettre d'un mot.

La Torah nous prévient : dans ce monde, ou c'est l'homme qui définit les choses, il est alors le premier, ou il est condamné à imiter les autres, et donc, à suivre les autres, il est donc le dernier.

On comprend bien à présent pourquoi celui qui répond Amen comme les autres, est passé à coté de tout, sa vocation était d'être le HÉ qui définit, qui innove, et il a été le HÉ qui suit, qui n'a fait qu'imiter les autres.

C'est d'ailleurs cela la clé du bonheur, sentir que l'on fait quelque chose de soi même, sans se contenter de reproduire les autres.

C'est le début des Psaumes :

Heureux l'homme : Ashrei Haich

Que D. nous aide à être toujours dans la perspective du HÉ qui définit les choses. Amen.
 

Dvar Torah pour l'élévation de l'âme de
Mr Roger Ayouch ILLOUZ
décédé le 13 Sivan 5757

© Centre d'Etudes Juives Ohel Torah

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