Mr Bernard Lévy,
Collel Volozhin - Bné Baraque Israël
Le premier verset de cette paracha renferme en lui déjà de nombreux enseignements.
Il est écrit : Vehaya ekev tichme'oun et hamichpatim haéleh..., c'est à dire, ce sera lorsque vous respecterez mes commandements et les accomplissez, je vous donnerai la berakha.
La question suivante se pose : pourquoi la Torah a-t-elle employé pour dire "lorsque" le terme " 'ekev " qui normalement signifie "talon" ; pourquoi la Torah n'a pas dit tout simplement "si" ?
En réalité le terme 'ekev correspond aussi à la proposition "si" comme l'explique Rachi, mais ici il vient nous apporter un enseignement supplémentaire.
La Torah vient nous spécifier qu'on n'obtiendra la berakha que si l'on ne se contente pas de respecter rien que ce qui est strictement écrit, mais aussi les lois rabbiniques que l'homme a tendance à fouler aux pieds (avec son talon!).
Citons un passage du troisième chapitre du Cha'aré Techouva de rabénou Yona: Ma Hachem dorech mimekha ki im leyirah, zeh issour derabannan.
Qu'est-ce que D. demande de toi, seulement de le craindre. (fin du verset) Et comment le craint-on ? (commentaire :) En respectant les interdits d'ordre rabbiniques. Pour comprendre ce caractère primordiale de l'interdit rabbinique, nous allons nous allons nous aider d'un exemple ; Imaginons une cage d'escalier de dix étages où l'entrepreneur n'installe pas de rampe et d'un ton arrogant déclare :" Vous pouvez monter les étages sans vous approcher du "précipice", montez à coté du mur !"
Pour les gens qui ont le coeur fragile et pour ceux qui ont le vertige pour les enfants turbulents qui se feront justement un plaisir de s'approcher le plus possible du "trou", c'est c'est vraiment une déclaration insensée, qui ne vient même pas à l'idée!
De la même manière celui qui veut respecter la Torah sans prêter attention aux interdictions rabbiniques; ressemble à un enfant qui monte l'escalier sans rampe. L'homme n'est tout simplement pas capable de respecter la Torah sans avoir recours aux interdits derabbannan.
Encore un élément intéressant et surprenant concernant l'interdit rabbinique.
La guemara dit : tout celui qui enfreint l'interdit rabbinique est passible de mort. La compréhension de cette guemara demande d'approfondissement. Le Cha'aré Techouva explique le problème de la sorte : Chacun a tendance à sous-estimer et à dévaloriser l'interdit rabbinique et sans trop mauvaise conscience passer outre l'interdit, pas une seule fois mais des dizaines et des centaines de fois.
Pour comprendre la gravité de l'interdit rabbinique et notre mauvaise posture envers lui, nous allons de nouveau nous aider d'une illustration.
Imaginations que l'interdit rabbinique est un "fil" qui est très
facile à couper, c.à.d. à pardonner. Mais si ce fil
originel n'est jamais coupé mais enroulé, au contraire d'innombrables
autres tours, il devient avec le temps une bobine épaisse et énorme
qu'on aura beaucoup de mal à déchiqueter .
L'interdit rabbinique bafoué et transgressé devient au
fur et à mesure plus épais et plus grave pour l'homme qu'un
interdit de la Torah qu'il transgresse rarement.
Dans Tehilim (les Psaumes) il y a plusieurs allusions à notre sujet, en voici quelques-unes :
Gam 'avdekha nichmar bahem bechomram 'ekev rav. (19/12)
Votre serviteur fait très attention à elles (acces interdits ; on retrouve le terme 'ekev)
(Avon 'ikvai yesoubéni). (49/6)
Les fautes de mes talons m'entourent.
Le roi david connaît l'importance et la gravité de l'interdit rabbinique, et dans sa prière et dans ses moments difficiles, les craint et demande à D. de les lui pardonner.
Encore une autre idée avant de conclure : Le rav Aaron Kottler zatsal, le Roch Hayechiva de Lakewood, déduit du verset cité de notre paracha que le mot 'ekev, vient faire allusion au "piétinement" de certains interdits, surtout ceux ayant un rapport avec la parole comme les lois de la médisance, celles qui nous astreignent à juger notre prochain du bon coté, à ne pas le vexer, les lois de l'harmonie et du chalom dans le couple, qui dépendent beaucoup de notre façon de parler.
En conclusion, dans le mot même de la Torah que nous venons de
commenter, se trouvera la solution à notre problème : Comment
respecter l'interdit rabbinique ? Effectivement dans le mot 'ekev,
il y a aussi le mot keva', en inversant les lettres. Ce qui signifie
que c'est seulement par la kevi'outh, par l'assiduité dans l'étude
de la Torah que l'on arrive, échelon par échelon, à
cerner, à déterminer clairement les lois du Chabbat, des
différentes fêtes, de la cachrouth, de la vie conjugale et
toutes les autres lois de la Torah auxquelles nous sommes confrontés
chaque jour pour les respecter correctement et mériter la berakha.