PARCHAT MATTOT

UNE LEÇON DE RECONNAISSANCE


Dr David Tubiana,
Chirurgien-dentiste - Rana'na, Israël

Dans notre paracha, à la référence 31/1, Hachem parle à Moïse et lui demande de détruire Midyan. Le peuple de Midyan avait entraîné le peuple d'Israël vers la perdition, chute de moralité dont l'ampleur dramatique fut caractérisée par l'union malheureuse d'un chef de tribu d'Israël avec une non-juive!

Les milliers de morts qui résultèrent de cette influence néfaste de Midyan sur les enfants d'Israël en fut le résultat et seule l'intervention de Pinhass mit fin à cette hécatombe.

La dernière intervention dans la vie de Moïse sera : la destruction de Midyan, pour empêcher que dans l'avenir ne se reproduise un tel drame. Il faut préserver la moralité d'Israël. L'ordre de D. est claire à Moïse : tu dois détruire Midyan.

Mission importante que se voit confier Moïse. Et pourtant, il ne va pas personnellement guider cette entreprise, mais il recrute des hommes pour cela. Que fait Moïse de l'ordre que lui a donné D. ? De quel droit s'en échappe-t-il ?

Le Midrach Raba, commentaire sur la paracha, au chapitre 4 pose clairement la question et y répond : " Si Moïse ne va pas lui même en guerre contre Midyan mais y envoie d'autres personnes, c'est parce qu'il a vécu plusieurs années au sein des Midyanim, et ce n'est pas à lui à faire du mal à ceux qui, à l'époque, lui ont fait du bien. " (Rappelons qu'à l'époque Moïse avait trouvé refuge à Midyan alors qu'il avait fui l'Egypte où un arrêt de mort avait été prononcé à son encontre)

Le Midrach dit : " en d'autres termes : ne jette pas de pierre dans le puits duquel tu as bu. "

Ce raisonnement est très compréhensible, mais malgré tout, c'est D. Lui même qui a dit à Moïse de faire la guerre contre Midyan. Comment Moïse peut comprendre que d'autres iront à sa place par reconnaissance aux Midyanim ? D'un coté Moïse doit obéir à D., de l'autre il ne doit pas être ingrat. Comment Moïse a donc choisi ? Comment a-t-il pu lire dans les paroles de D. que c'est d'autres qu'il doit envoyer ?

C'est encore le Midrach Raba qui nous donne la réponse. Moïse a appris cette enseignement de D. Lui même : quelques années auparavant lors de trois des dix plaies d'Egypte (le sang, les grenouilles et les poux). Toutes les autres plaies ont été apportées par Moïse à part ces trois là.

Le Midrach Raba dit donc (10/4) "Rabbi Tanhoum dit : D. dit à Moïse quand on t'a déposé dans les eaux du Nil, tu as été sauvegardé par elles, ce n'est pas à toi d'y apporter la plaie." Ce sera quelqu'un d'autre, Aaron.

Donc, c'est de D. Lui même que Moïse a appris cet enseignement d'une qualité fondamentale du comportement humain : la reconnaissance. De la même façon que D. lui a appris à être reconnaissant envers un fleuve, qui n'est pas un être vivant, de la même façon il faut être reconnaissant envers un peuple qui l'a hébergé pendant des années.

Cette vertu de reconnaissance a ses implications directes dans la halaha (Orah Haïm 170/4) : " Toute personne qui trouve un morceau de pain jeté par terre, ne doit pas continuer son chemin sans le ramasser (même si c'est quelqu'un d'autre qui l'a jeté). Il doit donc ramasser ce morceau de pain et le mettre dans un endroit un peu plus "respectable". "

Dans la Torah il existe d'autres exemples de cet attribut ; nous en rapportons quelques-uns pour voir jusqu'où a-t-on cette obligation de reconnaissance.

Beréchit Raba (74/15) : "Et Reuven entendit et il le sauva (Joseph) des mains de ses frères.../... Les sages disent : Reuven a pensé que Joseph a eu la bonté de le compter (lui, Reuven) parmi tous ses frères et il ne le sauverait pas ? .../... car il est dit : Onze étoiles se prosterneront devant moi...".

Les onze étoiles se réfèrent à tous ses frères, y compris Reuven qui pensait en avoir été exclus à cause d'un acte malencontreux ; et voilà, Joseph quand il rapporte ses rêves parle de Reuven comme d'un frère à part entière. Cela remplit Reuven de joie de voir qu'il n'est pas exclus par Joseph de la famille. Et, par reconnaissance il décide de le sauver de la sentence de mort prononcée par les frères, et de plaider pour sa sauvegarde., ce qui amènera à la décision de laisser Joseph en vie.

Un autre exemple où l'expression d'un bienfait s'est manifestée très involontairement, très passivement et a obligé néanmoins à la reconnaissance : lorsque Moïse sauve les filles de Yitro des mains des bergers.

Le midrach (Chemot Raba 1/22 au milieu) : les filles de Yitro disent : "Un homme égyptien nous a sauvées des mains des bergers." Est-ce que Moïse était égyptien ? Uniquement son habit l'était, mais lui était Hébreu ! (alors de quel Egyptien s'agit-il ?) .../... Les filles de Yitro disent à Moïse : "Merci de nous avoir sauvées des mains des bergers ; Moïse leur répond : " C'est grâce à l'Egyptien que j'ai tué en Egypte que vous avez été sauvées." (car après sa mort j'ai du fuir, et ma fuite m'a amené à vous) C'est pourquoi elles disent à leur père : "un homme égyptien."

De ces exemples nous voyons que nous devons être reconnaissants, parce que nous mêmes avons reçu, même si cela n'a rien coûté à celui qui a donné, même s'il a donné d'une façon involontaire, inconsciente et indirecte.

Le "Mikhtav Mé'éliahou" explique qu'un des fondements des forces spirituelles de l'hommes nous est dévoilé à travers ce devoir de reconnaissance.

En effet, toutes les vertus de l'âme sont influencées et déclenchées par l'intermédiaire des sentiments, et pas uniquement par l'intellect. C'est pourquoi, si nous développons notre sentiment de reconnaissance, même envers un objet inanimé, nous arrivons à construire une sensibilité en nous même qui ne sera pas toujours forcément en accord avec notre logique intellectuelle.

Dans le cas du Nil qu'il fallait transformer en sang, Moïse aurait fait par cet acte un grand Kidouch Hachem, une sanctification du nom de D. en montrant au monde l'emprise totale de D. sur la nature, en même temps en frappant le Nil, en frappant l'intermédiaire par lequel il avait été sauvegardé quand il était bébé, ce geste aurait enlevé de la sensibilité du cœur de Moïse.

Ce sentiment de reconnaissance est un outil important pour nos rapport avec D., car cela nous permettra de réfléchir et de réaliser combien D. a été gentil avec l'homme et la nature, puisqu'Il a tout créé et qu'Il maintient tout sur pied.

La reconnaissance doit donc faire partie d'une discipline de vie où l'oubli et l'ingratitude sont à bannir, et où, au contraire, nous devons développer notre sentiment de redevance à toute origine du bien qui nous arrive, comme tremplin pour de meilleurs rapports sociaux, familiaux et un attachement plus fort à notre Créateur. Même si pour D. cela ne Lui coûte rien, puisque tout ce qu'Il nous donne n'enlève rien à Son grandeur.

SI D. a la force de donner sans rien recevoir en échange, l'homme quand il a reçu, a donc bien le devoir de donner.

C'est, dit-il, le sens du verset : "Et D. fit l'homme à Son image." Et cette attitude permettra à l'homme d'atteindre des sommets dans le comportement humain.


© Centre d'Etudes Juives Ohel Torah

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