PARCHAT PINHASS

LA TORAH : UNE SCIENCE A PART


Mr. Franck Bitton
Collel, Jérusalem

Un homme du nom de Tselofhad succomba dans le désert, laissant cinq filles érudites qui n'étaient pas encore mariées. Elles entendirent Moché expliquer que la terre d'Israël serait attribuée selon le nombre d'héritiers mâles. Elles craignirent alors que le nom de leur père serait oublié puisqu'il n'avait que des filles. Elles vinrent présenter leur requête aux juges nommés sur dix familles.

Leur question était justifiée mais sans précédent ; les juges ne purent prendre de décision. Ils les envoyèrent aux juges nommés sur 50 familles. Mais eux-mêmes les adressèrent à de plus hautes autorités. Les filles de Tselofhad se rendirent alors auprès des juges nommés sur une centaine, mais ils les envoyèrent aux juges responsables d'un millier. Nul ne pensa être compétent pour trancher l'affaire et on adressa les filles de Tselofhad à Moché lui même.

Mais Moché se tourna aussitôt vers Hachem pour recevoir la réponse, ainsi qu'il est écrit dans le verset de Bamidbar 27/5 : " Moché déféra leur cause devant Hachem ".

Pourquoi Moché ne reconnut -il pas la véracité de leur argument et préféra-t-il laisser la décision à Hachem ?

Rachi explique que Moché apporta la question devant Hachem car il l'avait oubliée !

Pourtant, Moché avait appris toute la Torah au mont Sinaï directement d'Hachem. Comment se fait-il alors qu'un homme de la grandeur de Moché puisse oublier une loi, quelle qu'elle soit ?

Lorsque Moché nomma des juges sur le peuple, il annonça: "Si une affaire est trop difficile pour vous, déférez la moi." (Devarim 1/17). Il aurait dû dire : "Pour toute décision difficile, je m'enquerrai de la loi auprès de la présence divine." En conséquence Hachem lui cacha cette loi. Ainsi, son attitude provoqua l'oubli d'une loi.

Rav Robman expose dans son livre Zikron Meïr la question suivante : Quel rapport existe-t-il entre l'attitude de Moché et l'oubli d'une loi ? En effet, est-ce que quelqu'un pourrait oublier des connaissances acquises avec beaucoup d'efforts pour avoir fait preuve d'un temps soit peut d'orgueil ? Evidemment, pour des connaissances scientifiques ou culturelles, personne n'oublie à priori ses acquis. Un médecin qui fait preuve d'orgueil n'oubliera pas sa science !

Par contre, en vue de ce qui s'est passé ici pour Moché, on apprend que les connaissances acquises en Torah peuvent s'oublier si on fait preuve d'orgueil ou plus généralement si on se laisse aller à avoir trop de défauts.

Ainsi, les enseignements de la Torah sont accessibles à tout un chacun. Tout genre de personne peut étudier la Torah comme on le ferait pour n'importe quelle autre science.

Ainsi la guemara Meguila 6b rapporte : si quelqu'un t'affirme :

"J'ai cherché et je n'ai pas trouvé", ne le crois pas.

"Je n'ai pas cherché et j'ai trouvé", ne le crois pas.

"J'ai cherché et j'ai trouvé", crois le.

Cet enseignement concerne l'acquisition des connaissances en Torah. Mais pour le maintien de ces connaissances, il faut l'aide du ciel. Et, en l'occurrence, c'est ce qui a fait défaut à Moché dans ce cas.

Ainsi, ce qui est spécifique à " notre science ", c'est que l'étudiant, le "chercheur ", a besoin d'une aide constante du ciel pour assurer le maintien de ses connaissances. Or, si son attitude n'est pas en harmonie avec son étude, il se déconnecte de l'aide du ciel et il est susceptible d'oublier les divré Torah qu'il a appris.

A présent on comprend pourquoi Moché a pu oublier une loi qui au demeurant était simple.

Un cas semblable se trouve dans la guemara Ketouboth : le métayer d'Abayé lui demandait si on pouvait épouser une veuve ou une divorcée qui allaiterait encore son bébé de 15 mois. Le remariage d'une telle femme pourrait être un problème car la femme pourrait retomber enceinte et elle devrait donc sevrer prématurément.

Pourtant, Abayé lui permit pour quatre raisons:

  1. Dans les discussions entre rabbi Meïr et rabbi Yehouda la loi est tranchée d'après rabbi Yehouda qui permet de se remarier dans un cas pareil.
  2. Entre Beth Chamai et Beth Hillel la loi est comme Beth Hillel qui lui aussi permet.
  3. 'Oula dit explicitement que dans ce cas la loi suit rabbi Yehouda.
  4. Mar 'Oukba dit que rabbi Hanina a permis de se remarier après 15 mois.
Ainsi, à l'appui de 4 avis, Abayé permit à son métayer de se marier avec une telle femme. Puis, il alla demander tout de même la loi à son maître rav Yossef. Celui-ci répondit que malgré les 4 avis précédents, Rav et Chemouel, -maîtres de la génération précédente- avaient tranché qu'il fallait attendre 24 mois qui est l'âge butoir de l'allaitement.

Abbayé reconnut immédiatement qu'il avait oublié cette loi, néanmoins connue. Mais il n'a pas eu l'aide du ciel pour s'en rappeler au moment opportun car il fit preuve d'un soupçon d'orgueil en tranchant une loi avant d'en parler à son Rav.


© Centre d'Etudes Juives Ohel Torah

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