PARCHAT MIKETS

CAUSE ET EFFET


Rav Yitshak Jessurun

Et Yehouda dit : que dirons nous à notre maître, et comment nous justifierons-nous (ma nitstadak) – D. a trouvé la faute de vos serviteurs et nous voici, nous serons esclaves à vous, notre maître, aussi bien nous que celui chez qui la coupe a été trouvée. [44/16]
Yehouda semble reconnaître explicitement au vice-roi d’Egypte la culpabilité des frères : la coupe royal avait bien été trouvée dans le sac de Benjamin, cadet des frères ; celui-ci en était donc évidemment le voleur.

A première vue il est donc étonnant de voir la véhémence avec laquelle Yehouda continue néanmoins à plaider la cause devant Yossef. Avec un acharnement doublé il insiste après (début parchat Vayigach) à ce qu'on libère Benyamin pour le laisser partir avec eux.

Dans la guemara Chabbat (55a) nous trouvons le commentaire suivant :

Rabbi Nachman bar Yitshak dit : d’où connaissons-nous le principe de " notrikon " (commentaire allégorique d’ordre acronyme où chaque lettre du mot fait allusion à un mot entier ) dans la Torah ? Car le texte dit : ma nits-ta-dak, qui est un "  notrikon " pour nemoukhim anakhnou (nous sommes des hommes humbles), tsadikim anakhnou,(nous sommes des justes), tehorim anakhnou, (nous sommes d’une pureté parfaits), dakhim anakhnou, (nous sommes innocents), kedochim anakhnou (nous sommes saints).

Rabbi Nachman bar Yitshak nous établit le principe de " notrikon " qui est une des lectures allégoriques du même titre comme, par exemple, la " guematria " (valeur numérique) et l'interprêtation des " ta'amim " (intonations musicales).

Cependant, en faisant cela il renverse complètement le sens du verset pour y lire exactement le contraire du " pchat ", du sens simple et premier. Là où le texte annonce que Yehouda reconnaît la faute des frères, rabbi Nachman bar Yitshak lui fait dire que les frères se disent les plus justes êtres que le monde connaisse !

Rachi sur place se penche sur la suite du verset ; Ha-Elokim matsa eth ‘avon ‘avadékha – D. a trouvé la faute de vos serviteurs : Nous savons que nous n’avons point fauté mais que tout ceci est venu d’Hachem. " Le créditeur a trouvé par où encaisser sa dette. "

Les frères se savent parfaitement innocents en ce qui concerne l’affaire de la coupe volée. Ils peuvent affirmer que tous, Benjamin y compris, sont des hommes humbles, justes, purs, innocents et saints. La conscience devant le vice-roi est irréprochable.

Si Yehouda continue à défendre la cause, c'est qu'il fait comprendre que vis à vis de Par'o personne n'a commis la moindre faute. Leur intégrité et la réputation de Ya'akov témoignant, l'affaire de la coupe volée ne peut tout simplement pas leur être attribuée.

Mais est-ce tout ? Si ici il n’y a point de faute n’y en n'a-t-il pas ailleurs ? Alors, là aucune question pour Yehouda, Ha-Elokim matsa eth ‘avon ‘avadékha – D. a trouvé la faute de vos serviteurs. Si les frères s'affirment formellement innocents devant Par'o, devant Hachem, par contre, ils se disent bien coupables mais alors, de fautes différentes (qui ne concernent pas Par'o) et ils savent que maintenant D. les fait payer pour ces fautes là !

L’homme a tendance à ne pas chercher plus loin que le strict minimum imposé par le moment. Pourquoi suis-je condamné dans cette affaire par le juge ? Je me sais parfaitement innocent. Est-il alors capable de reconnaître qu’il est juste que maintenant il paye pour des fautes qu’il a depuis longtemps voulu oublier ?

Chaque mot dans la Torah offre, outre le pchat, une lecture cachée. C’est que la Torah n’est pas faite de mathématique, tout comme l’homme lui même n’est pas fait par d'équations arithmétiques. On doit être capable de se savoir innocents et néanmoins fautifs pour tant de raisons qui se trouvent ailleurs. Or, l'homme préfère le raisonnement linéaire de cause et effet. Le principe de sekhar va'onech, de récompense et sanction, établit qu'il n'y aucune perte dans les actes humains. Le programme divin de ce monde veut que ce qu'on a fait hier, ressort de manière subtile obligatoirement tôt ou tard dans ma propre vie. Il s'agit d'avoir la sagesse des frères de Yossef et reconnaître la main d'Hachem pour savoir comment agir.


© Centre d'Etudes Juives Ohel Torah

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