Dans la Paracha de Vayigach ( Genèse chap. 45), nous assistons, entre autres épisodes, à ce moment poignant où le vice-roi d'Egypte révèle son identité aux enfants de Jacob : il est leur frère. C'est lui ce Joseph que l'on croyait mort, mais qui, après tant et tant de péripéties, se trouve presque au sommet de la hiérarchie égyptienne. Et pourtant, avant tout, il se veut leur frère. Lui aussi est un fils de Jacob et il a hâte d'oublier et d'effacer les mauvais souvenirs du passé, pour se retrouver à l'unisson dans la grande, famille du patriarche.
C'est dans ce contexte que Joseph s'approche de son frère cadet Benjamin, qui, comme lui même, est un fils de Rachel, la femme à laquelle Jacob était si attaché. Benjamin, Joseph le connaît à peine ; c'était encore un bébé quand la disparition de Joseph les a séparés.
Joseph se laisse tomber sur les épaules de Benjamin, et, comme le texte nous l'indique il l'embrasse en pleurant. A son tour Benjamin donne libre cours à ses émotions, il embrasse Joseph et pleure également.
Dans son commentaire sur place, Rachi
cite le midrach suivant: pourquoi Joseph a-t-il pleuré ?
A cause des deux temples, successifs qui .seront, bien plus tard , construits
sur le territoire de Benjamin, pour être, hélas! détruits
par la suite.
Ce commentaire semble, pour te moins,
étonnant; pourquoi le midrach attribue-t-il les larmes versés
par Joseph à cette vision lointaine de la destruction des premier
et second Temple? N'est-il pas plus évident d'attribuer ces larmes,
tout simplement, au sentiment humain de celui qui a retrouvé son
frère?
Pourquoi nos maîtres, dans
ce midrach, cherchent-ils des explications qui semblent si éloignées
du texte et du contexte?!
En fait la préoccupation de
nos sages dans ce midrach, est empreinte d'esprit de finesse. Au
delà des apparences, ils découvrent une dimension de grandeur
de chaque être et les conséquences incalculables de gestes
-à nos yeux- anodins.
Dans notre cas, les événements
peuvent se résumer ainsi : Le Beth-Hamikdach, le Temple est te lieu
privilégié de l'harmonie, de l'unité et de la fraternité.
S'il est construit sur le territoire de Benjamin, ce n'est pas un hasard.
Benjamin était te seul des frères en mesure de jouer un rôle
central. Lui, et lui seul, pouvait sceller la réconciliation, car
il était accepté par. tous.
Joseph ne pouvait pas lui en vouloir,
puisqu'il n'était pas du tout impliqué dans sa vente. Quant
aux autres frères, ils venaient de faire ta preuve, à son
égard d'un dévouement total et inconditionnel. Le texte de
la Torah nous montre bien leur abnégation et la détermination
qui était ta leur, pour le protéger envers et contre tout.
Benjamin est l'ami de tous les frères, c'est donc sur son
territoire que te Temple, lieu de l'unité, doit se trouver.
Toutefois nous pouvons présumer
que Joseph, dans sa grandeur d'âme, avait le souci d 'effacer toute
trace des blessures du passé. Il souhaiterait, en effet, embrasser
directement chacun de ses frères. Mais ceux-ci, reculèrent,
effrayés : un mur psychologique, une barrière mentale se
dresseraient encore dans leur esprit. Alors Joseph a pleuré... Il
ne pouvait embrasser que Benjamin et les relations les plus profondes ne
pourraient se tisser que par son intermédiaire...
Ce phénomène de distance
était le grain d'où germerait plus tard la destruction du
Beth- Hamikdach, de 1'Unité...
Notre peuple a connu 1'épreuve
répétée, de la destruction du Temple. Aujourd'hui
nous vivons la période de préparation pour le 3ème
Beth-Hamikdach. La tradition te dit indestructible, car il sera celui de
1'Harmonie parfaite, du dialogue sincère et attentif.
Que chacun d'entre nous élève
une prière fervente vers l'Eternel, afin qu'Il implante dans nos
cœurs l'esprit d'ouverture à l'autrui, de découverte du prochain
et d'une affection sincère pour tous nos frères.
Ainsi nous aurons la garantie d'une
reconstruction rapide de Jérusalem, la Ville Sainte, couronnée
par le joyau du Temple, du Beth- Hamikdach, source jaillissante d'inspiration
divine pour l'Unité et l'Harmonie dans une fraternité parfaite.